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La ruelle sombre et silencieuse

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< novembre 2010 >

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Tout ce qui va suivre se déroule dans un état pleinement lucide !

Je flotte. Dans le néant. Dans un espace d'un noir absolu. Un espace vide. Ici, il n'y a rien. Rien du tout.

Mais je suis là, à flotter. Et j'en ai conscience. Je sais que je suis dans mon lit, au calme. Dans ma chambre. Quelque part. Ailleurs.

Ce doit être un rêve lucide. C'est ce que je me dis. Mais pourquoi n'a-t-il aucune matière ? Pourquoi ne vois-je rien d'autre qu'une obscurité vide de toute chose ? C'est presque décevant... Mais je vais essayer de rester calme et de me laisser porter, me laisser flotter dans le vide jusqu'à ce que quelque chose se passe. N'importe quoi.

Rapidement, d'étranges symboles gris ou blancs, mais tous lumineux flottent tout autour de moi et viennent m'entourer.

Je flotte toujours, mais quelque chose est apparu loin au dessous de moi. Un semblant de décor. Non, pas un décor. Une immense carte. Un nombre incroyable de pays, séparés par des frontières, défilent sous mes yeux, alors que je flotte "d'est en ouest". Ce n'est pas une carte de notre monde, mais certaines régions y ressemblent.

Les symboles qui flottaient autour de moi sont devenus des lettres. Ces lettres "tombent" maintenant sur les différents pays et forment leurs noms, des noms tout à fait improbables1.

Le décor entier vient à changer autour de moi. Bon sang, ce que c'est impressionnant, je n'ai pas vu le changement arriver.

Je suis maintenant dans une immense pièce vide presque entièrement plongée dans l'obscurité. Seuls quelques parties du sol sont éclairées, mais je ne parviens pas à déterminer si l'éclairage vient d'au dessus ou d'en dessous. Les murs de la pièce sont en béton gris, sauf l'un des côtés, qui est une baie vitrée avec une double-porte automatisée. La baie vitrée donne sur une rue totalement plongée dans l'obscurité. De l'autre côté de la rue, je vois seulement la vague silhouette de maisons de ville se détacher d'un ciel nocturne gris sombre.

La pièce dans laquelle je me trouve est peut-être vide, mais je distingue clairement quelqu'un portant une blouse blanche qui se tient debout devant un mur, à quelques mètres de moi. C'est un homme ayant une allure de scientifique ou de médecin. J'avance vers lui. La sensation de mes pieds nus sur le sol est criante de vérité. Le seul bruit que j'entends est celui de mes pas légers sur ce sol en béton lisse.

Je me décide à adresser la parole à l'homme. Je lui dis que ça y'est, j'ai enfin réussi à faire un rêve lucide. J'ajoute que maintenant j'ai la preuve que j'attendais que je peux moi aussi atteindre cet état2. L'homme s'est contenté de me dire que je n'étais ni fou, ni naïf de penser ne jamais parvenir à atteindre cet état, et que je n'avais pas à penser l'être. 3

Je me rends compte que le mur derrière l'homme a une partie "miroir". J'essaye de me voir dedans. Je me vois, mais je suis presque effrayant. Je porte un T-shirt blanc et un jean bleu, mes cheveux sont longs comme en réalité, mais décoiffés. Mais c'est surtout mon visage qui est "marquant" : mon visage a l'air détendu, mais mes yeux sont mi-clos et révulsés vers le haut, et on dirait que mes lèvres s'agitent seules, faiblement, comme si je marmonnais quelque chose, alors que je ne suis pas en train de parler...

Je détourne le regard, et je me rends compte que l'homme a disparu. Je jette ensuite un oeil à l'extérieur, par la baie vitrée. Je suis bien décidé à aller explorer la rue, même si elle est plongée dans les ténèbres.

Dès que je franchis la double-porte automatique, des gens se "matérialisent" peu à peu dans la rue. Au début ils sont transparents, presque invisibles, mais plus le temps passe, plus leur matière devient "concrète", surtout ceux que je fixe du regard. Ce sont des dizaines de personnes qui marchent maintenant dans la rue, toutes dans le même sens, et dans un silence absolu. C'est... perturbant.

Je fixe une de ces silhouettes à l'allure féminine. Elle devient de plus en plus "réelle". C'est une jeune fille châtain-blonde à la peau claire, mais plutôt quelconque. Elle est habillée d'un pantalon de toile pattes d'éléphant, d'un T-shirt azur, et d'un veston en laine blanche. Je lui demande de s'arrêter, et elle le fait instantanément, sans dire un mot. Je commence à toucher ses vêtements pour éprouver les sensations tactiles. Mon dieu, c'est criant de vérité, c'est comme si je touchais vraiment ces vêtements. Je me mets à défaire les boutons de son veston de laine, et même ces gestes sont réalistes, ainsi que le contact des boutons au bout de mes doigts...4

J'essaye de lui parler, mais elle ne répond pas. J'entreprends de la déshabiller, pour voir jusqu'où je peux aller...

Mais le rêve se termine.

Mon tout premier rêve lucide ! Qu'est-ce que c'était réaliste ! Waouh !

• [1]Le seul nom de pays que j'ai retenu, celui que j'ai vu le plus clairement, était "Modrock".
• [2]Quelques jours avant, j'avais lu des choses qui m'avaient un peu découragé dans mon entreprise d'atteindre l'état lucide.
• [3]Devant mon enthousiasme, j'ai trouvé ses paroles à la fois sages et peu enjouées. C'était juste comme s'il "constatait" froidement la chose. Je me suis dit que peut-être il avait l'habitude d'accueillir les gens dans le monde onirique et qu'il était peut-être un peu blasé de le faire...
• [4]Je me souviens encore de la texture douce de la laine de son gilet...